Le cancer, pourquoi moi ?
A qui la faute ? Pourquoi moi ? Qu’ai-je fait ou que n’ai-je pas fait, de quoi donc suis-je porteur pour être ainsi désigné par la maladie ?
Ces questions, tout un chacun se les pose devant l’inconnu effrayant que représente le cancer.
Se trouvent ainsi mis en cause des comportements « à risque » (trop fumé, mal mangé, trop stressé…), une hérédité biologique, un terrain familial ou encore des causes exogènes comme des facteurs environnementaux. Des particularités psychologiques se trouvent également mises en cause comme un défaut d’énergie, des « faiblesses », un manque à être, une fragilité du moi, des carences précoces ayant mis en difficulté la construction de l’identité, un inachèvement, une tendance dépressive, un manque d’élaboration psychique…
Chacun est pris dans une quête de sens et tente ainsi de se construire une « théorie explicative » pouvant répondre à ses questions sur les causes possibles du cancer.
Comment ces interrogations font elles écho aux propres représentations des professionnels et que peuvent ils en faire dans la relation avec le malade ?
Nous questionnerons ce que peut signifier pour un sujet cette quête du sens de la maladie et discuterons la façon d’accueillir et d’accompagner ces cheminements personnels. Nous essaierons également de faire le point sur les théories qui mettent en avant le facteur psychique. Ces théories, souvent relayées par les médias, ont le pouvoir dangereux de rendre le malade responsable de son cancer.
Objectifs des Journées de Psycho-Oncologie :
Public :
8h00 | Accueil des participants |
8h30 |
Allocution d'accueil |
8h45 | Présidente de séance : Magali EDEL, Praticien hospitalier, Oncologue, Coordinatrice du 3C Sud Alsace, Centre Hospitalier de Mulhouse |
9h00 |
« Existe-t-il un lien entre un évènement psychique et le cancer ? » |
9h45 | « La construction culturelle et sociale de l'étiologie psychique du cancer » Aline SARRADON-ECK, Médecin, Anthropologue, CReCSS, Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III Argument, Biographie, Bibliographie, >>Cliquez ici<< |
10h30 | Discussion |
10h45 | Pause café - espace exposants |
11h15 | « Introduction à l’intervention de Claude Boiron » Anne Claire BUCCIALI, Psychologue, Ligue contre le cancer, Colmar, Vice président de l'APOHR « Témoignage » Claude BOIRON, Médecin Oncologue, Hôpital Européen G. Pompidou, Paris Argument, Biographie, Bibliographie, >>Cliquez ici<< |
12h00 | « Le mythe individuel du malade dans la médecine moderne » Marie Josée DEL VOLGO, Médecin, Maître de conférences Faculté de médecine, Aix-Marseille II, Psychanalyste Argument, Biographie, Bibliographie, >>Cliquez ici<< |
12h45 | Discussion |
13h00 | Repas sur place - espace exposants |
14h15 | Ateliers : Inscriptions sur place |
16h15 |
Conclusion : |
1. Introduction par la présidente de séance
Nous avons des facteurs de risque, la génétique, différents éléments. Pour l’instant, je réponds à beaucoup de questions. Je n’ai cependant jamais de réponse à apporter au « pourquoi moi, pourquoi ai-je un cancer ? ».
Je suis doublement contente aujourd’hui d’être le régent du temps parce que le président de séance sert surtout à cela, c'est-à-dire à essayer de maintenir le timing. Cela me permet aussi de saluer le travail de l’APOHR et de son président. Je ne vais citer personne pour ainsi n’oublier personne. C’est vrai que c’est un travail important et j’aimerais les remercier. Au-delà de leur implication au quotidien dans les services, qui est déjà très importante, ils trouvent le temps d’organiser ce genre d’intervention, de présentation. Cela leur a demandé une énergie très importante.
Si vous me permettez, j’aimerais que nous les applaudissions.
Applaudissements.
Merci bien. Ce n’est pas tout à fait spontané mais je crois que cela vient du cœur. A Philippe ACKERMANN et tous les participants de l’APOHR, merci beaucoup.
Nous allons commencer. Philippe ACKERMANN a déjà excusé Madame PORTAL. Je vais pour ma part excuser Monsieur Norbert AMSELLEM, qui ne pourra pas être présent aujourd’hui avec nous.
Cela va entraîner un petit changement dans l’organisation de la journée. Nous allons essayer de récupérer son intervention que nous mettrons en ligne. Vous pourrez ainsi le trouver sur le site de l’APOHR. Il est tout à fait désolé de ne pouvoir être présent.
2. Ouverture
Cette 11ème édition inaugure un lieu nouveau pour nous, qui est cet amphithéâtre de la Fonderie et qui appartient à l’Université de Haute Alsace. Vous serez invités à le découvrir tout à l’heure, pendant les pauses.
Je dois excuser Madame Danielle PORTAL qui devait prononcer l’allocution d’accueil et qui vient de nous appeler pour nous dire qu’elle a un empêchement.
Je vais donc garder la parole pour vous dire comment nous avons pensé la thématique de cette journée. Nous essayons, une année sur l’autre, de continuer à tirer le fil rouge de nos rencontres et les habitués de nos journées ont peut-être noté qu’il existe un lien entre les thèmes que nous proposons, année après année.
En 2009, l’année dernière, nous avions intitulé notre journée « Corps et cancer » et avons discuté du vécu corporel lié à cette maladie. Il y a eu, bien entendu, lors de cette journée, tout un questionnement complémentaire et nécessaire sur l’impact psychique, questionnement qui s’est noué autour du sens que peut prendre cette maladie dans la société et pour un sujet donné.
C’est tout naturellement que nous avons repris cette question pour notre journée en l’intitulant « Le cancer, pourquoi moi ? ». Cette question, vous le savez bien, renvoie à la clinique puisque chaque professionnel est susceptible de l’entendre quand il rencontre un patient atteint de cancer.
Notre titre comporte aussi un sous-titre « Sens, non sens et quête de sens », ceci pour indiquer une dynamique, un mouvement sensible toujours à travers la clinique puisque l’enjeux, qui est un enjeu de survie psychique, oblige, après l’effondrement lié au diagnostic, à intégrer cet hors sens que représente la maladie pour en faire quelque chose d’acceptable pour soi.
Je dois dire que nous avions pensé à un autre titre pour notre journée. Nous pensions d’abord titrer la journée de la façon suivante « le cancer à qui la faute », tant il est vrai que la recherche des causes, la notion de responsabilité, le sentiment parfois d’être coupable, infiltre le vécu lié à cette maladie.
Nous avons eu des débats entre nous pour finalement choisir l’intitulé que vous connaissez, en pensant que « Cancer, à qui la faute » était un peu réducteur du propos que les différents intervenants vont tenir devant vous. Il est certain cependant que ce thème sera abordé.
Nous savons bien aussi que le cheminement dans l’expérience de la maladie ne va pas de soi. Il n’existe pas de trajectoire rectiligne, de trajectoire toujours prévisible. Ce cheminement est fait d’espoir, de désespoir, d’allers et retours entre l’hôpital, les consultations, les examens, le traitement, le domicile, à travers tous ces événements heureux et malheureux.
La personne atteinte de cancer effectue un travail psychique pour tenter de comprendre, donner du sens à l’expérience qu’elle vit et reconstituer la trame de son existence pour conjurer tous les moments difficiles qu’elle traverse, les malheurs qui l’ont frappée, les facteurs familiaux, environnementaux, socioculturels qui ont contribué parfois fortement à son état, pense-t-elle.
Nous savons aussi que la vérité sur le plan médical ne recouvre jamais la façon dont est vécue la maladie dans l’intimité d’un être. Nous savons bien qu’il n’est jamais possible de dégager une compréhension de la maladie en se limitant à la personne malade et à ses symptômes organiques.
Nous pourrions dire ainsi – c’est une formule qu’on pourra discuter – que le cancer est toujours plus que le cancer. La maladie est plus et autre que la maladie somatique. Une maladie comme le cancer et tout particulièrement le cancer est aussi une construction personnelle, un mythe individuel qui se fabrique et se module à partir d’un vécu singulier, d’une histoire personnelle, mais aussi en interaction avec les proches, un milieu de vie, celui des soins, une culture donnée.
Cette construction n’est pas à rejeter ni à renvoyer systématiquement du côté de la psychologie, ni à oublier. Elle doit pouvoir – c’est en tous cas notre proposition – être déjà accueillie, accueillie avec respect et entendue.
Je voudrais dire à ce propos et pour terminer, une histoire qui m’a interpellé et que j’ai souvent l’occasion de rappeler dans les formations que nous organisons. Une réunion pluridisciplinaire avait été organisée dans un service, voici quelques années, dans un service de gastroentérologie qui prend en charge de nombreux patients atteints de cancer.
Une aide soignante qui travaillait la nuit a fait l’effort de venir à cette réunion qui se tenait en journée, bien évidemment. Elle nous a dit que son travail de nuit, bien difficile, comportait aussi des moments privilégiés parce qu’elle pouvait, peut-être plus facilement qu’en journée, prendre du temps avec les patients.
Pendant ces moments, les patients lui parlaient de ce qu’ils vivent, de la maladie bien sûr, d’eux-mêmes, de leurs proches, de ce qu’elle suscite comme interrogations, de leur façon d’y réagir, de ce que les soignants disent ou laissent entendre.
Elle nous a montré le gros cahier qu’elle tenait en main en disant que, ne sachant pas trop quoi faire de toutes ces paroles, de toutes ces histoires qu’on lui confiait, elle avait trouvé comme seule ressource de les écrire, de les écrire rien que pour elle, disait-elle, afin qu’elles ne restent pas lettre morte, sans doute.
N’y a-t-il pas une petite leçon à tirer de cette histoire où les patients rencontrés semblent porteurs d’une souffrance en attente de se dire. Comme cette aide soignante, ne sommes-nous pas dépositaires aussi de paroles en souffrance et notre travail ne consiste-t-il pas aussi à essayer d’en faire quelque chose.
Comment, pourquoi, dans quel but, avec quels moyens de compréhension ? Ce sont les questions qui vont nous occuper tout au long de la journée et dont les intervenants vont sans doute se faire l’écho ce matin.
Je vais laisser le soin au président de séance de vous les présenter. Je la remercie d’avoir accepté cette tâche. La présidente de séance est le Docteur Magali EDEL, oncologue, chef de service au Centre Hospitalier de Mulhouse et coordinatrice du Comité de Concertation en Cancérologie pour le Sud Alsace.
Applaudissements.
3. Introduction à l’intervention de Claude Boiron
Nous avons découvert, l’an passé, dans la revue de psycho-oncologie, un témoignage qui a attiré notre attention. C’est celui d’un médecin oncologue, le Docteur BOIRON. Elle est praticien hospitalier dans un service d’oncologie médicale à Paris.
Ce témoignage a été écrit après avoir elle-même été confrontée à l’expérience de la maladie cancéreuse. Le Docteur BOIRON évoque, dans ce texte, ce qu’elle a vécu, la brutalité de se voir basculer, du jour au lendemain, d’être normal à être cancéreux. Elle écrit aussi comment, dans ce double statut de médecin et de malade, avec et malgré son savoir objectif de médecin, elle se trouve, elle aussi, traversée par ce « pourquoi moi », comme tant de malades, ce sentiment d’injustice, de culpabilité, par tout ce bouleversement de la temporalité, dans le rapport à soi-même et aux autres, l’extrême solitude éprouvée devant l’indifférence de certains interlocuteurs ou la frustration de se voir réduite par certains ou dans le regard de certains à sa part malade.
En tant que médecin, elle jette aussi un regard lucide et attentif sur ce qui, dans l’attitude des professionnels, soutient la capacité de la personne malade à faire quelque chose de cette expérience, l’aide à avancer dans la construction de soi-même.
Au-delà de l’épreuve douloureuse et fragilisante qui modifie fondamentalement le vécu et la vie, nous dit Claude BOIRON, vient l’écoute. L’accompagnement et la confiance qui se construisent entre le malade et ses interlocuteurs sont essentiels pour aider celui-ci à faire de l’expérience un chemin de vie qui l’amènera parfois encore plus vite et encore plus loin ainsi qu’elle en a fait le constat pour elle-même.
Nous vous remercions vivement, Claude BOIRON, d’avoir accepté de partager avec nous ce témoignage. Vous verrez qu’il est source d’une réflexion extrêmement précieuse pour nos pratiques professionnelles.
Applaudissements.
4. Le mythe individuel du malade dans la médecine moderne
Dans le titre de mon intervention, on y trouve deux parties qui s’opposent et qu’on a à prendre en considération selon ce dont j’ai rendu compte depuis de nombreuses années, depuis le début de mes recherches dans le domaine de la psychopathologie clinique, soit une vingtaine d’années maintenant. Cette opposition fait référence au principe de complémentarité du physicien quantique Niels BOHR. Cela peut vous paraître très éloigné de notre propos, mais il faut bien admettre que le dispositif de parole et de langage qu’est la psychanalyse, l’écoute clinique, d’une part et le dispositif médico-biologique d’autre part, que ces deux dispositifs s’excluent mutuellement. Vous allez peut-être, et je l’espère, comprendre ce que cela signifie au fur et à mesure de ma communication.
5. Témoignage - Intervention de C. Boiron
Ce qui me touche aussi, dans votre invitation, c’est d’avoir été rassurée sur ma capacité à faire passer certaines choses et surtout à être entendue. Nous en reparlerons souvent. Il est vrai que l’écoute est importante en tant que médecin mais aussi en tant que patient. Tout cela donne un sens important pour moi.
Ce témoignage est difficile parce que cela faisait très longtemps que j’avais envie de l’écrire. Je sentais bien que ce qui était intéressant c’était la double casquette médecin-patient atteint d’un cancer. Mon parcours a été assez lourd. Je vais le résumer pour que vous puissiez comprendre la globalité de ce que j’ai vécu. Le but est après, ensemble, de voir quels peuvent être les points importants sur lesquels on peut réfléchir.
6. Témoignage d’un médecin cancérologue
Résumé :
Ce texte retrace le vécu d’une jeune femme, oncologue médical, traitée pour un cancer du sein à l’âge de 32 ans. Le diagnostic, la chirurgie mutilante, la chimiothérapie lourde sont racontés par la patiente, mais analysés au regard de son expérience professionnelle. Le vécu de « gros bras » est aussi abordé dans ce récit, séquelle physique majeure et source de souffrance psychique. En 2003, la rechute ébranlera, une fois de plus, le fragile équilibre retrouvé. Quand on est métastatique, quelles décisions prendre, jusqu’où est-on prêt à se battre, et surtout qui décide et avec quelles informations ? À côté de ces différentes questions posées pour elle-même et les patients se dévoilent, au fur et à mesure, d’autres difficultés : comment réinvestir sa propre spécialité, comment rester crédible devant les autres collègues, comment retrouver une place au sein de la communauté médicale, lorsque la maladie et certains autres médecins vous renvoient à votre propre finitude ? Au-delà de ce témoignage, c’est une réflexion qui est proposée pour chacun des acteurs de santé sur sa propre pratique professionnelle.
7. Communication de Aline Sarradon-Eck
Cette catégorie étiologique profane coexiste néanmoins avec celles qui mettent en cause la société (pollutions, ondes, médicaments, alimentation, etc.), celles qui incriminent les comportements pathogènes de l’individu (alcoolisme, tabagisme, excès alimentaires), et celles plus fatalistes qui trouvent dans le destin de l’individu (hérédité, malchance) la cause de la maladie.