La maladie cancéreuse constitue un expérience intime et singulière. De très nombreux patients expriment dans différentes rencontres, parfois même à travers l'écriture de récits de vie, combien la maladie, les traitements constituent un engrenage qui leur fait perdre pied, qui les « dépossède » d'eux-mêmes en les entraînant dans un monde, celui des soins, le plus souvent méconnu et anxiogène.

La prise en charge du cancer, marquée par l'urgence des soins, laisse peu de place à cette expression subjective du patient, à son ressenti propre. L'urgence vitale, la nécessité d'agir, risque toujours de masquer l'ébranlement mental suscité par la maladie. Pour le malade, cela s'accompagne de la révélation de sa vulnérabilité, la certitude d'une vie changée. La prise de conscience de la vulnérabilité s'inscrit dans une vie psychique qu'elle modifie et réorganise.

La vie d'après, celle de la rémission, de la vie sans traitement, de la guérison reste très souvent marquée par la conscience de la fragilité de la vie et implique une vie autre, vulnérable.

Les soignants sont confrontés tous les jours dans les soins qu'il apportent, dans leur écoute, au retentissement psychique de la maladie, à la mise en mots de celle-ci par les patients et les proches. Nous savons que cela n'est pas sans effet pour le soignant qui ne peut éviter de se confronter à son vécu psychique, travaillé lui aussi par la prise de conscience de sa propre vulnérabilité.

Quels sont les effets psychiques de cette confrontation avec ce vécu de vulnérabilité ?

Qu'engendre pour les soignants la prise en compte de cette « commune » vulnérabilité ?
 
Quelle(s) forme(s) d'accompagnement(s) pour l'autre, pour soi, pour une équipe de soin, est-il possible d'imaginer, d'élaborer ?

Objectifs des Journées de Psycho-Oncologie :
  • Donner des repères cliniques pour mieux comprendre le retentissement psychique de la maladie.
  • Développer une réflexion et identifier le modes d’action, les attitudes susceptibles de favoriser la mobilisation des ressources psychiques.
Public :
  • Médecins, psychologues, infirmiers, aides soignantes, autres professionnels de la santé, travailleurs sociaux, impliqués dans la prise en charge de personnes atteintes de cancer.
8h00 Accueil des participants

8h45

Accueil
Anne Claire BUCCIALI, psychologue, Ligue contre le Cancer, Vice proésidente APOHR
Dr Bruno AUDHUY, oncologue, Président du Comité du Haut-Rhin de la Ligue contre le Cancer

Ouverture de la journée 
Présidente : Dr Véronique VIGNON, Clinique de la Toussaint, Strasbourg 

9h30

« De l'altération à l'altérité : quand la vulnérabilité fait naître du lien »
Tanguy CHATEL, sociologue, Paris

10h30

Discussion

10h45

Pause café - espace exposants

11h15

« De la sollicitude à la vulnérabilité et retour » 
Agata ZIELINSKI, Professeur agrégé de philosophie, Faculté de médecine, Nancy 

12h15

Discussion

12h30

Repas sur place - espace exposants

14h00

En accompagnement spirituel : « une joie insolite »
Lytta BASSET, philosophe et théologienne, Université de Neuchâtel

15h00

Discussion

15h15

« La relation de soin en cancérologie : une fonction contenante » 
Justine RENY, 
Psychologue clinicienne, Centre Hospitalier de Dreux

16h15

Discussion

16h30

Clôture de la journée
Ch. ACKERMANN, psychologue Centre Hospitalier Altkirch, APOHR

Pour son 15ème anniversaire, l'APOHR a sollicité Marion MULLER-COLARD, écrivain, qui présentera un text au cours de la journée avec la Compagnie Le Gourbi bleu.

1. Vivre avec la mort : défis et enjeux d’aujourd’hui

Tanguy CHATEL
Sociologue, Paris
Madame  *
Mesdames, messieurs, pour cette sixième année, le collège des psychologues du Centre hospitalier de Mulhouse, en lien avec MultiPsy et l'Association de Psycho-Oncologie du Haut-Rhin, a le plaisir d'accueillir Monsieur Tanguy CHÂTEL.
Vous êtes sociologue, formateur et conférencier. Vous intervenez bénévolement en soins palliatifs depuis 14 ans. Vous avez été chargé de mission à l'Observatoire national de la fin de vie. Votre ouvrage « Vivants jusqu'à la mort » est récemment paru chez Albin Michel.
Je commence par les remerciements : la Direction des ressources humaines, l'Institution de formation aux métiers de santé qui nous accueille à ce jour, le collège des psychologues, l'Association de psycho-oncologie et l'Association MultiPsy.
La mort traverse nos services, nos vies professionnelles comme nos vies personnelles. A l'hôpital, la visée est de prendre soin. Prendre soin, c'est accompagner le parcours du malade dans le diagnostic, dans le traitement, dans la guérison mais aussi être près du mourant et de sa famille et, ce, à tout âge de la vie. Tous les corps de métier peuvent y être confrontés : infirmier, psychologue, ASH, médecin, secrétaire, agent mortuaire.
A partir de là et comme vous le questionnez dans votre argumentaire, comment vivre avec la proximité de la mort ? Comment accompagner, quel accueil pour nos malades dans nos services et en nous ? De manière plus large également, quels sont les enjeux actuels liés à la question de la mort ?
Vous nous avez proposé d'aborder la question des états végétatifs chroniques mais aussi la question de la mort autour de l'enfant.
Je vais lire une courte présentation de votre travail et de votre dernier ouvrage. A partir de votre expérience d'accompagnement des personnes en fin de vie, vous explorez la question de la souffrance spirituelle. Cette notion, qui se trouve pourtant au cœur des soins palliatifs, est en pratique soigneusement évitée, en raison d'une conception française de la laïcité qui place le soin à distance de la vie privée des croyances personnelles. Ce silence tient à l'écart de l'accompagnement tous ceux qui, de plus en plus nombreux, cherchent une réponse qui ne serait pas exclusivement religieuse, à leurs souffrances.
Vous abordez cette question encore tabou en vous plaçant au plus près des mourants. Vous éclairez en quoi la question spirituelle se distingue de la religion, des croyances, de la philosophie, de la psychologie, pour lui restituer sa place véritable au cœur de chaque homme, dans une vision qui vient donner à la laïcité une perspective plus ambitieuse. Votre analyse aborde ainsi considérablement le seul champ de la fin de vie, faisant naître, de manière stimulante pour chacun, qu'il soit malade ou bien portant, croyant ou non croyant, des perspectives de sens et de lien qui ramènent à l'essence même de notre condition d'être humain.
 
Comment prendre soin d'une personne en fin de vie ? Comment la prendre en considération dans toute sa complexité, dans toute sa subtilité, dans tout ce qui reste de vitalité aussi ? Quel soutien lui offrir quand la médecine ne peut manifestement plus guérir ?
Les souffrances de fin de vie nous interpellent. Au niveau individuel, comment affronter l'idée de sa propre mort et sa finitude ? Au niveau collectif ensuite puisque, derrière cette question, se tient à peine voilé notre système commun de valeurs. Les répercutions de cette question sont multiples : éthiques, culturelles, sociales et économiques.
Je vais me faire le plaisir de vous lire un petit extrait du « Petit Prince » de Saint-Exupéry. C'est un texte que je trouve magnifique, que j'adore, qui approche de très près cette question de la finitude. Ce texte est très sensible. Je ne peux pas vous en lire un long passage mais j'invite tous ceux qui ne le connaissent pas ou ceux qui ont envie de se replonger dans cette lecture à le faire avec beaucoup de plaisir.
Au chapitre 26, le Petit Prince vient de rencontrer le serpent. Il vient d'offrir son rire en cadeau à l'aviateur qui a réparé son avion et qui est prêt à repartir. Le Petit Prince dit :
« - Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi et tu m'ouvriras peut-être parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras « Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire ! ». Et ils te croiront fou. Je t'aurai joué un bien vilain tour... 
Et il rit encore.
- Ce sera comme si je t'avais donné, au lieu d'étoiles, des tas de petits grelots qui savent rire...
Et il rit encore. Puis il redevient sérieux :
- Cette nuit... Tu sais... Ne viens pas.
- Je ne te quitterai pas.
- J'aurai l'air d'avoir mal... J'aurai un peu l'air de mourir. C'est comme ça. Ne viens pas voir ça, ce n'est pas la peine...
- Je ne te quitterai pas.
Mais il était soucieux.
- Je te dis ça... C'est à cause aussi du serpent. Il ne faut pas qu'il te morde... Les serpents, c'est méchant. Ca peut mordre pour le plaisir...
- Je ne te quitterai pas.
Mais quelque chose le rassura :
- C'est vrai qu'ils n'ont pas le venin pour la seconde morsure...
Cette nuit-là, je le vis pas se mettre en route. Il s'était évadé sans bruit. Quand je réussis à le joindre, il marchait décidé, d'un pas rapide. Il me dit seulement :
- Ah ! Tu es là...
Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore :
- Tu as tort. Tu auras de la peine. J'aurai l'air d'être mort et ce ne sera pas vrai...
Moi je me taisais.
- Tu comprends. C'est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C'est trop lourd.
Moi je me taisais.
- Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée. Ce n'est pas triste les vieilles écorces...
Moi je me taisais. »
Je vais donner la parole à Monsieur CHÂTEL. Il y aura bien sûr du temps pour des questions, n'hésitez pas à être actifs dans la discussion et l'intervention de Monsieur CHÂTEL, merci.

2. La relation de soin en cancérologie

Reny Justine
Psychologue clinicienne, Hôpital de Dreux
Psychologue en cancérologie, soins palliatifs, je suis confrontée en permanence à des patients qui m’expriment leurs ressentis par rapport à la maladie, mais aussi à des soignants, médecins qui peuvent être déroutés dans leur accompagnement du patient et de l’entourage.
Soignants et soignés sont embarqués dans une expérience qui reste, à chaque fois, singulière et chamboulante pour chacun d’entre eux.
Comment concevoir cette relation de soin qui renvoie tout à chacun à sa propre vulnérabilité ?

3. De l'altération à l'altérité : quand la vulnérabilité fait naître du lien

Tanguy CHATEL
Sociologue, Paris
Bonjour, je suis très content d'être ici. Je vois que la salle est particulièrement remplie sur un sujet qui va forcément nous concerner. Sur le sujet de la vulnérabilité, on a déjà dit beaucoup de choses. Beaucoup de contenu existe déjà sur ce sujet. C'est normal, ce sujet est à la fois si riche et si inépuisable qu'on pourrait y consacrer plus qu'une journée. Vous n'aurez pas fini d'y consacrer du temps.

4. Vulnérabilités : Premier, Deuxième et Troisième Tableau

Marion MULLER COLLARD par La Compagnie de théâtre Le Gourbi Bleu
Texte de  Marion MULLER COLLARD écrit pour la 15ème Journée de psycho oncologie.
La Compagnie de théâtre Le Gourbi Bleu en a fait une lecture vivante au cours de la journée

Deux personnages allongés côte à côte, comme sur un lit deux places. La Patiente, la Médecin.
 
La Patiente sur le dos, les yeux fermés. La Médecin dort sur le côté, en chien de fusil, tournant le dos à la Patiente.  Au-dessus de leurs têtes, l'épée. Quelqu'un donne une petite impulsion à l'épée pour qu'elle balance un peu.

5. La vulnérabilité dans le champ de la compassion

Agata Zielinski
Professeur agrégé de philosophie, Faculté de médecine, Nancy
Recit non disponible