13ème Journée de l'APOHR
Cancer : l'éthique au cœur des soins
Cancer : l'éthique au cœur des soins
Conclusion
Pierre LUCAS
Directeur d’hôpital honoraire aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
Anne-Claire BUCCIALI
Psychologue, Ligue Contre le Cancer, vice-présidente de l'APOHR
Directeur d’hôpital honoraire aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
Anne-Claire BUCCIALI
Psychologue, Ligue Contre le Cancer, vice-présidente de l'APOHR
Gustave Nicolas FISCHER
Nous avançons progressivement vers la fin de cette journée. Je voudrais vous présenter Monsieur Pierre LUCAS, Directeur d’hôpital honoraire aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Il va nous faire la conclusion de cette journée. Je vais lui laisser la parole.
Par la suite, Anne-Claire BUCCIALI nous présentera le prochain thème.
Par la suite, Anne-Claire BUCCIALI nous présentera le prochain thème.
Pierre LUCAS
Je me suis assis au fond de la salle, au dernier rang.
J’ai écouté, et j’ai entendu le témoignage de six réalités.
La première réalité dont j’ai entendu le témoignage, est la plainte des soignants.
Vous vous plaignez de la charge de la traçabilité : « il faut toujours faire des papiers ».
Vous vous plaignez des écrans qui sont entre les patients et les soignants,
Vous vous plaignez du manque de temps, du temps que l’on passe dans le CLAN, le CLIN, le CLU, le ...
C’est vrai.
Vous vous plaignez surtout de la diminution de la possibilité d’être présent auprès des personnes, en conscience ;
Vous vous plaignez de ne pas pouvoir bien faire votre travail.
Vous vous plaignez d’être insatisfait.
Il y a une plainte des soignants. Voilà ce que j’ai entendu.
Vous vous plaignez aussi du fait que ce qui a de la valeur en ces temps-ci, c’est ce qui est " codable " :
la T2A, les taux d’occupation, la DMS, la multiplication des actes.
Pourtant, vous savez que ce qui a de la valeur, c’est ce qui n’a pas de prix.
Je me suis assis au fond de la salle, au dernier rang.
J’ai écouté, et j’ai entendu le témoignage de six réalités.
La première réalité dont j’ai entendu le témoignage, est la plainte des soignants.
Vous vous plaignez de la charge de la traçabilité : « il faut toujours faire des papiers ».
Vous vous plaignez des écrans qui sont entre les patients et les soignants,
Vous vous plaignez du manque de temps, du temps que l’on passe dans le CLAN, le CLIN, le CLU, le ...
C’est vrai.
Vous vous plaignez surtout de la diminution de la possibilité d’être présent auprès des personnes, en conscience ;
Vous vous plaignez de ne pas pouvoir bien faire votre travail.
Vous vous plaignez d’être insatisfait.
Il y a une plainte des soignants. Voilà ce que j’ai entendu.
Vous vous plaignez aussi du fait que ce qui a de la valeur en ces temps-ci, c’est ce qui est " codable " :
la T2A, les taux d’occupation, la DMS, la multiplication des actes.
Pourtant, vous savez que ce qui a de la valeur, c’est ce qui n’a pas de prix.
La deuxième réalité dont j’ai entendu le témoignage,
c’est la nécessité ontologique presque – je dis cela à l’attention de Mr. PIERRON – des notions d’espace et de temps.
Nous avons entendu les mots d’espace et de temps, sans arrêt.
Ce sont deux mots que nous trouvons dans la Critique de la raison pure d’Emmanuel KANT.
Ce sont ce que l’on appelle des catégories mentales.
Il est impossible, à un être humain, de penser quelque chose
si ce n’est pas ici ou là-bas, à un endroit, en un espace
et si ce n’est pas maintenant, hier ou demain, donc dans le temps.
Il nous est rigoureusement impossible d’être si nous n’avons pas ces deux notions-là.
Nous avons donc besoin d’espace et de temps, et il faut qu’ils soient notés, "officialisés".
S’il y a un temps et un espace affectés à telle chose, alors, cette chose est importante.
S’il n’y a pas d’espace et de temps affectés à …, c’est que cette chose n’est pas importante et n’existe pas.
J’ai entendu, ce matin, en tout début de journée : " space of peace".
Il nous fallait un espace de paix, une oasis. Pour quoi faire ?
Pour faire émerger des interrogations, des questionnements
qui permettent de répondre " présent" au présent du monde dans lequel le soignant est plongé.
C’est, un peu, une réponse à la plainte : " on n’a pas le temps ".
Cela peuvent être des temps petits, mais des temps.
Cela peuvent être des lieux qui ne sont pas réservés, absolument, mais des lieux réservés pour un temps.
Il faut "dégager", " consacrer " du temps pour se réformer, pour changer les états d’esprit, et d’abord le mien.
Cet après-midi aussi, vous avez témoigné qu’il nous faut des espaces et des temps.
Les groupes de questionnement sur l’éthique dans des situations singulières
sont des espaces et des temps consacrés à un examen de ces questions.
c’est la nécessité ontologique presque – je dis cela à l’attention de Mr. PIERRON – des notions d’espace et de temps.
Nous avons entendu les mots d’espace et de temps, sans arrêt.
Ce sont deux mots que nous trouvons dans la Critique de la raison pure d’Emmanuel KANT.
Ce sont ce que l’on appelle des catégories mentales.
Il est impossible, à un être humain, de penser quelque chose
si ce n’est pas ici ou là-bas, à un endroit, en un espace
et si ce n’est pas maintenant, hier ou demain, donc dans le temps.
Il nous est rigoureusement impossible d’être si nous n’avons pas ces deux notions-là.
Nous avons donc besoin d’espace et de temps, et il faut qu’ils soient notés, "officialisés".
S’il y a un temps et un espace affectés à telle chose, alors, cette chose est importante.
S’il n’y a pas d’espace et de temps affectés à …, c’est que cette chose n’est pas importante et n’existe pas.
J’ai entendu, ce matin, en tout début de journée : " space of peace".
Il nous fallait un espace de paix, une oasis. Pour quoi faire ?
Pour faire émerger des interrogations, des questionnements
qui permettent de répondre " présent" au présent du monde dans lequel le soignant est plongé.
C’est, un peu, une réponse à la plainte : " on n’a pas le temps ".
Cela peuvent être des temps petits, mais des temps.
Cela peuvent être des lieux qui ne sont pas réservés, absolument, mais des lieux réservés pour un temps.
Il faut "dégager", " consacrer " du temps pour se réformer, pour changer les états d’esprit, et d’abord le mien.
Cet après-midi aussi, vous avez témoigné qu’il nous faut des espaces et des temps.
Les groupes de questionnement sur l’éthique dans des situations singulières
sont des espaces et des temps consacrés à un examen de ces questions.
La troisième réalité dont j’ai entendu le témoignage, c’est l’existence d’une souffrance.
Il y avait de la plainte. Ensuite, j’ai entendu de la souffrance, de la souffrance
- dans une culture de croyance en la toute puissance médicale,
- dans la culture de l’obligation du résultat,
- une culture qui se trouve dans la tête des patients, dans la tête des personnes soignées.
Je n’ai pas dit " malade " parce que lorsqu’on dit malade, la personne est réduite à une maladie.
On s’occupe alors des organes ou des dysfonctionnements des organes, on ne s’occupe pas des personnes.
Nous sommes donc dans une croyance en la toute puissance.
Les personnes malades le demandent.
Les personnes soignantes le croient :
il faut que je sois puissant, que je réussisse, que je guérisse parce que je suis là pour cela.
Pourtant, on sait très bien, mais on ne va pas le dire et on ne va pas le reconnaitre,
qu’il n’y a qu’une seule chose de certaine dans la vie : c’est qu’on va mourir un jour.
Nous ne voulons pas entendre parler de cela. Cet écartèlement fait souffrir.
J’ai entendu une souffrance de la part des personnes soignantes, en équipe ou pas,
et une souffrance de la part des patients qui supportent ces personnes soignantes qui souffrent.
C’est ce qu’on appelle la maltraitance.
C’est, de la part d’un soignant, la souffrance de ne pas pouvoir être tout puissant, qui engendre une culpabilité :
« je ne réussis pas tout. .. Je ne réussis rien… Je ne suis donc bon à rien. ».
Voilà ce qui a été dit.
Il a été dit, aussi, que cette souffrance, ce n’est pas la souffrance de l’autre qu’on ne supporte pas.
C’est la propre souffrance de la personne soignante de ne pas pouvoir supporter la souffrance de l’autre.
Que dois-je faire pour bien soigner et être bien avec moi-même ?
Ah, si je le savais, parce que c’est une question qui me taraude.
Qu’est-ce qui va faire vivre l’autre ? Qu’est-ce qui va me faire vivre ?
J’ai lu dans un livre qui a été écrit voici 3 000 ou 4 000 ans :
« tu as devant toi la vie et la mort. Alors, choisis de vivre ». Ce n’est pas évident.
Quatrième réalité dont j’ai entendu le témoignage : la nécessité de l’éthique au cœur des soins.
Le cœur, je sais ce que c’est depuis que j’ai été opéré du cœur :
on n’apprécie jamais que ce dont on manque, au moins un peu.
Je n’ai plus que 24 % de mon cœur qui est bon.
Je suis " incapable", à 76 %. Je commence donc à savoir ce qu’est le cœur.
Le cœur, c’est ce qui permet de vivre. C’est ce qui permet à tous les appareils de fonctionner.
S’il n’y a pas de cœur, le sang et l’oxygène ne circulent plus,
les mains et les pieds, et tous les autres organes, y compris le cerveau, ne fonctionnent plus.
En ce sens, la place de l’éthique, c’est bien d’être au cœur des soignants.
S’il n’y a pas de" cœur éthique", de "respiration éthique", le soignant ne peut pas soigner.
La dimension éthique est une nécessité pour pouvoir vivre ensemble.
L’acte de soin est une relation entre soignant et soigné, une relation dissymétrique :
l’un est debout et l’autre est couché, l’un est tout puissant et l’autre est tout nu.
Je me souviens, quand j’ai été opéré, avoir été couché, tout nu. Mon bras était tendu.
" Allez-y, vous me mettez ce que vous voulez pour m’endormir. Je n’ai de toute manière rien à dire.
J’ai confiance. J’ai fait confiance et ça va. Si je ne faisais pas confiance, je ne serais pas là. "
La respiration éthique, c’est ce qui permet, dans cette relation dissymétrique,
de pouvoir vivre ensemble et de pouvoir chacun vivre, dans le respect de l’autonomie du patient.
Qu’il me soit permis, ici, d’ajouter à ce qui a été dit.
La loi du 4 mars 2002, dite loi KOUCHNER,
contient en son sein une révolution culturelle qui n’a pas encore été réellement intégrée en France.
Il y est dit que le patient décide des soins avec le médecin.
Désormais, le sujet de la phrase, celui qui décide des soins, n’est pas le corps médical.
Auparavant, les médecins soignaient avec le consentement des malades, si ceux-ci le veulent bien.
Auparavant, l’accord de la personne malade était un complément circonstanciel.
Désormais, le patient prend les décisions concernant sa santé,
avec l’accord des médecins qui lui doivent de l’information.
Cela a été complété par la loi dite LEONETTI du 22 avril 2005,
loi qui va prochainement faire l’objet de débats sur son application. Au terme de sept années, c’est bien normal.
Il est vraisemblable que seront apportées des précisions sur la mission de la " personne de confiance " ,
sur l’expression de la volonté de la personne soignée par personne interposée,
sur les conditions dans lesquelles doivent être respectées les directives – anticipées ou non, données directement ou par "avocat" - de la personne concernée.
Ce qui est " en jeu", pour pouvoir vivre ensemble, pour respecter l’autonomie de la personne soignée,
pour que la personne soignée ne se sente pas maltraitée,
c’est l’attention à ses valeurs. Que connaît-on de ce qui vaut pour elle ?
La connaissance que nous avons de ses valeurs n’est-elle pas le fruit d’une inattention, d’une projection de nos propres valeurs, voire d’un détournement de manifestation de volonté ?
Il y avait de la plainte. Ensuite, j’ai entendu de la souffrance, de la souffrance
- dans une culture de croyance en la toute puissance médicale,
- dans la culture de l’obligation du résultat,
- une culture qui se trouve dans la tête des patients, dans la tête des personnes soignées.
Je n’ai pas dit " malade " parce que lorsqu’on dit malade, la personne est réduite à une maladie.
On s’occupe alors des organes ou des dysfonctionnements des organes, on ne s’occupe pas des personnes.
Nous sommes donc dans une croyance en la toute puissance.
Les personnes malades le demandent.
Les personnes soignantes le croient :
il faut que je sois puissant, que je réussisse, que je guérisse parce que je suis là pour cela.
Pourtant, on sait très bien, mais on ne va pas le dire et on ne va pas le reconnaitre,
qu’il n’y a qu’une seule chose de certaine dans la vie : c’est qu’on va mourir un jour.
Nous ne voulons pas entendre parler de cela. Cet écartèlement fait souffrir.
J’ai entendu une souffrance de la part des personnes soignantes, en équipe ou pas,
et une souffrance de la part des patients qui supportent ces personnes soignantes qui souffrent.
C’est ce qu’on appelle la maltraitance.
C’est, de la part d’un soignant, la souffrance de ne pas pouvoir être tout puissant, qui engendre une culpabilité :
« je ne réussis pas tout. .. Je ne réussis rien… Je ne suis donc bon à rien. ».
Voilà ce qui a été dit.
Il a été dit, aussi, que cette souffrance, ce n’est pas la souffrance de l’autre qu’on ne supporte pas.
C’est la propre souffrance de la personne soignante de ne pas pouvoir supporter la souffrance de l’autre.
Que dois-je faire pour bien soigner et être bien avec moi-même ?
Ah, si je le savais, parce que c’est une question qui me taraude.
Qu’est-ce qui va faire vivre l’autre ? Qu’est-ce qui va me faire vivre ?
J’ai lu dans un livre qui a été écrit voici 3 000 ou 4 000 ans :
« tu as devant toi la vie et la mort. Alors, choisis de vivre ». Ce n’est pas évident.
Quatrième réalité dont j’ai entendu le témoignage : la nécessité de l’éthique au cœur des soins.
Le cœur, je sais ce que c’est depuis que j’ai été opéré du cœur :
on n’apprécie jamais que ce dont on manque, au moins un peu.
Je n’ai plus que 24 % de mon cœur qui est bon.
Je suis " incapable", à 76 %. Je commence donc à savoir ce qu’est le cœur.
Le cœur, c’est ce qui permet de vivre. C’est ce qui permet à tous les appareils de fonctionner.
S’il n’y a pas de cœur, le sang et l’oxygène ne circulent plus,
les mains et les pieds, et tous les autres organes, y compris le cerveau, ne fonctionnent plus.
En ce sens, la place de l’éthique, c’est bien d’être au cœur des soignants.
S’il n’y a pas de" cœur éthique", de "respiration éthique", le soignant ne peut pas soigner.
La dimension éthique est une nécessité pour pouvoir vivre ensemble.
L’acte de soin est une relation entre soignant et soigné, une relation dissymétrique :
l’un est debout et l’autre est couché, l’un est tout puissant et l’autre est tout nu.
Je me souviens, quand j’ai été opéré, avoir été couché, tout nu. Mon bras était tendu.
" Allez-y, vous me mettez ce que vous voulez pour m’endormir. Je n’ai de toute manière rien à dire.
J’ai confiance. J’ai fait confiance et ça va. Si je ne faisais pas confiance, je ne serais pas là. "
La respiration éthique, c’est ce qui permet, dans cette relation dissymétrique,
de pouvoir vivre ensemble et de pouvoir chacun vivre, dans le respect de l’autonomie du patient.
Qu’il me soit permis, ici, d’ajouter à ce qui a été dit.
La loi du 4 mars 2002, dite loi KOUCHNER,
contient en son sein une révolution culturelle qui n’a pas encore été réellement intégrée en France.
Il y est dit que le patient décide des soins avec le médecin.
Désormais, le sujet de la phrase, celui qui décide des soins, n’est pas le corps médical.
Auparavant, les médecins soignaient avec le consentement des malades, si ceux-ci le veulent bien.
Auparavant, l’accord de la personne malade était un complément circonstanciel.
Désormais, le patient prend les décisions concernant sa santé,
avec l’accord des médecins qui lui doivent de l’information.
Cela a été complété par la loi dite LEONETTI du 22 avril 2005,
loi qui va prochainement faire l’objet de débats sur son application. Au terme de sept années, c’est bien normal.
Il est vraisemblable que seront apportées des précisions sur la mission de la " personne de confiance " ,
sur l’expression de la volonté de la personne soignée par personne interposée,
sur les conditions dans lesquelles doivent être respectées les directives – anticipées ou non, données directement ou par "avocat" - de la personne concernée.
Ce qui est " en jeu", pour pouvoir vivre ensemble, pour respecter l’autonomie de la personne soignée,
pour que la personne soignée ne se sente pas maltraitée,
c’est l’attention à ses valeurs. Que connaît-on de ce qui vaut pour elle ?
La connaissance que nous avons de ses valeurs n’est-elle pas le fruit d’une inattention, d’une projection de nos propres valeurs, voire d’un détournement de manifestation de volonté ?
Cinquième réalité dont j’ai entendu le témoignage :
l’éthique est nécessaire, ai-je entendu, pour "sauver sa peau" parce que soigner n’est pas facile.
Soigner, c’est aussi vivre la tentation d’exercer un certain pouvoir.
Au fond, nous voudrions que l’autre se réduise à notre façon de voir, que l’autre pense comme nous.
Nous voulons que le malade soit l’objet de notre bonté.
Nous avons des tentations, des émotions, des ressentiments, des sentiments.
Nous avons besoin de les exprimer pour les purifier.
C’est la catharsis, que vous avez expérimenté au cours de la phase 2 de votre exercice de cet après-midi :
exprimer ses sentiments, pour en faire quelque chose, et ne pas les laisser refoulés, cela ferait tout sauter.
On le fait dans des séances comme cet après-midi, dans des groupes.
Même sans groupe, il faudrait que nous osions tout de même dire : « je lui tordrais bien le cou ».
C’est bien d’exprimer un tel sentiment. Pensons-le. De toute façon, on ne peut pas empêcher de le penser.
Après l’avoir exprimé et objectivé, nous pourrons en faire quelque chose.
Nous sentons bien que nous avons des tentations, des tentations de passage à l’acte.
Il a été parlé, ce matin, des euthanasies, et aussi des actes manqués.
Elles sont nombreuses les tentations d’avoir un acte manqué : « oh, pardon ! ».
Pour subir tous les mois des prélèvements pour surveiller mon INR,
j’ai droit de temps en temps à des « oh, pardon ! ». Je dois énerver l’infirmière qui effectue le prélèvement.
Nous avons toujours la tentation de ...
Il a été dit que des mauvais traitements, ou des passages à l’acte,
étaient une façon symbolique de donner la mort et de faire taire la personne soignée.
Alors, sans doute par espièglerie,
j’ai écrit, sur ma feuille de papier, l’inverse, complémentaire, de ce qui a été dit :
" une façon symbolique de donner la vie, c’est de se taire soi-même et de laisser la personne soignée s’exprimer ». Combien de fois avons-nous entendu, au terme d’entretiens de soins, la personne soignée nous déclarer : « merci pour tout ce que vous m’avez dit, je suis en paix », alors que nous nous sommes tus.
Il a été dit au cours de cette journée, et je l’ai entendu :
Si nous voulons tuer, nous n’avons qu’à prendre toute la place,
tellement nous avons peur de nous faire marcher sur les pieds.
Si nous voulons choisir la vie, nous n’avons qu’à nous taire et laisser parler.
S’il est vrai que nous ne sommes pas responsables de notre inconscient,
nous sommes responsables de ce que nous faisons de notre inconscient.
Nous avons besoin de lieux et de temps de respiration éthique pour prendre conscience
qu’il y a en nous de la force de mort, pour pouvoir vivre avec elle et pour pouvoir choisir la vie.
Voilà ce qui a été dit.
l’éthique est nécessaire, ai-je entendu, pour "sauver sa peau" parce que soigner n’est pas facile.
Soigner, c’est aussi vivre la tentation d’exercer un certain pouvoir.
Au fond, nous voudrions que l’autre se réduise à notre façon de voir, que l’autre pense comme nous.
Nous voulons que le malade soit l’objet de notre bonté.
Nous avons des tentations, des émotions, des ressentiments, des sentiments.
Nous avons besoin de les exprimer pour les purifier.
C’est la catharsis, que vous avez expérimenté au cours de la phase 2 de votre exercice de cet après-midi :
exprimer ses sentiments, pour en faire quelque chose, et ne pas les laisser refoulés, cela ferait tout sauter.
On le fait dans des séances comme cet après-midi, dans des groupes.
Même sans groupe, il faudrait que nous osions tout de même dire : « je lui tordrais bien le cou ».
C’est bien d’exprimer un tel sentiment. Pensons-le. De toute façon, on ne peut pas empêcher de le penser.
Après l’avoir exprimé et objectivé, nous pourrons en faire quelque chose.
Nous sentons bien que nous avons des tentations, des tentations de passage à l’acte.
Il a été parlé, ce matin, des euthanasies, et aussi des actes manqués.
Elles sont nombreuses les tentations d’avoir un acte manqué : « oh, pardon ! ».
Pour subir tous les mois des prélèvements pour surveiller mon INR,
j’ai droit de temps en temps à des « oh, pardon ! ». Je dois énerver l’infirmière qui effectue le prélèvement.
Nous avons toujours la tentation de ...
Il a été dit que des mauvais traitements, ou des passages à l’acte,
étaient une façon symbolique de donner la mort et de faire taire la personne soignée.
Alors, sans doute par espièglerie,
j’ai écrit, sur ma feuille de papier, l’inverse, complémentaire, de ce qui a été dit :
" une façon symbolique de donner la vie, c’est de se taire soi-même et de laisser la personne soignée s’exprimer ». Combien de fois avons-nous entendu, au terme d’entretiens de soins, la personne soignée nous déclarer : « merci pour tout ce que vous m’avez dit, je suis en paix », alors que nous nous sommes tus.
Il a été dit au cours de cette journée, et je l’ai entendu :
Si nous voulons tuer, nous n’avons qu’à prendre toute la place,
tellement nous avons peur de nous faire marcher sur les pieds.
Si nous voulons choisir la vie, nous n’avons qu’à nous taire et laisser parler.
S’il est vrai que nous ne sommes pas responsables de notre inconscient,
nous sommes responsables de ce que nous faisons de notre inconscient.
Nous avons besoin de lieux et de temps de respiration éthique pour prendre conscience
qu’il y a en nous de la force de mort, pour pouvoir vivre avec elle et pour pouvoir choisir la vie.
Voilà ce qui a été dit.
Sixième réalité dont j’ai entendu le témoignage :
au-delà du faire, nous situer dans l’ordre de l’être.
Vous refusez de considérer la respiration éthique comme une méthode.
Non, ce n’est pas une méthode décorative, stratégique, instrumentale.
Cela a été dit tôt, ce matin.
Il s’agit, en fait, de distinguer entre la morale et l’éthique.
La morale est de l’ordre du " faire " : que dois-je faire ?
La loi, la science, les spécialistes, les techniciens, les protocoles nous disent ce que nous devons faire.
Dans telle situation, on doit faire cela, parce que c’est la règle, parce que c’est la loi.
Dans le domaine de l’éthique, il ne s’agit pas de "faire", mais d’ "être".
Il s’agit de savoir quel " je" je cherche à être.
Dans mon exercice de personne soignante, qu’est-ce que j’ai envie d’être, moi ?
Voilà qui nous invite à faire résonner de nouvelle façon une perspective évoquée en tout début de matinée :
du besoin d’avancer dans le concept du soin spirituel ou de la question métaphysique.
Peut-être sera-ce le thème qui sera choisi lors du colloque de l’année prochaine ?
Gustave Nicolas FISCHER
au-delà du faire, nous situer dans l’ordre de l’être.
Vous refusez de considérer la respiration éthique comme une méthode.
Non, ce n’est pas une méthode décorative, stratégique, instrumentale.
Cela a été dit tôt, ce matin.
Il s’agit, en fait, de distinguer entre la morale et l’éthique.
La morale est de l’ordre du " faire " : que dois-je faire ?
La loi, la science, les spécialistes, les techniciens, les protocoles nous disent ce que nous devons faire.
Dans telle situation, on doit faire cela, parce que c’est la règle, parce que c’est la loi.
Dans le domaine de l’éthique, il ne s’agit pas de "faire", mais d’ "être".
Il s’agit de savoir quel " je" je cherche à être.
Dans mon exercice de personne soignante, qu’est-ce que j’ai envie d’être, moi ?
Voilà qui nous invite à faire résonner de nouvelle façon une perspective évoquée en tout début de matinée :
du besoin d’avancer dans le concept du soin spirituel ou de la question métaphysique.
Peut-être sera-ce le thème qui sera choisi lors du colloque de l’année prochaine ?
Gustave Nicolas FISCHER
Donner des perspectives, en considérant que cette question était mal posée en France et erronée, à certains égards, dans la véritable approche. J’ai l’expérience. C’est tout ce que je voulais dire dans mes petites explications à ce sujet, à titre informatif. Je ne suis pas entré dans le débat.
Pierre LUCAS
Je vais terminer par une réflexion personnelle.
Ayant la chance d’être malade moi-même,
ayant eu la chance d’accompagner de mon épouse dans un cancer,
ayant eu la chance d’accompagner ma belle-mère pendant de nombreuses années,
je voudrais attirer votre attention sur le fait
qu’à côté des personnes soignantes professionnelles, à un titre ou à un autre, que vous représentez ici,
de nombreuses personnes soignantes familiales
consacrent un temps de contact avec les personnes malades dix fois, vingt fois plus important
que le temps de contact consacré par les professionnels, qui ne peuvent pas tout faire, et dont le temps est limité .
Ces personnes soignantes familiales ont, comme vous,
le même questionnement, les mêmes plaintes, les mêmes souffrances, les mêmes tentations
et aussi les mêmes aspirations à être heureuses de voir l’autre heureux,
comme [ s’adressant à Mme Nicolle CARRE ] vous l’avez dit, Madame.
Ayant la chance d’être malade moi-même,
ayant eu la chance d’accompagner de mon épouse dans un cancer,
ayant eu la chance d’accompagner ma belle-mère pendant de nombreuses années,
je voudrais attirer votre attention sur le fait
qu’à côté des personnes soignantes professionnelles, à un titre ou à un autre, que vous représentez ici,
de nombreuses personnes soignantes familiales
consacrent un temps de contact avec les personnes malades dix fois, vingt fois plus important
que le temps de contact consacré par les professionnels, qui ne peuvent pas tout faire, et dont le temps est limité .
Ces personnes soignantes familiales ont, comme vous,
le même questionnement, les mêmes plaintes, les mêmes souffrances, les mêmes tentations
et aussi les mêmes aspirations à être heureuses de voir l’autre heureux,
comme [ s’adressant à Mme Nicolle CARRE ] vous l’avez dit, Madame.
Applaudissements.
Gustave Nicolas FISCHER
Gustave Nicolas FISCHER
Merci beaucoup, Monsieur Pierre LUCAS. Je vais donner la parole à Anne-Claire Bucciali pour la conclusion et pour les perspectives pour l’année prochaine.
Anne-Claire BUCCIALI
Pour clore et ouvrir aussi la route pour l’année prochaine, on voulait vous annoncer le thème que nous voulions vous proposer dans la continuité de ces années. Nous essayons que chaque thème soit issu de la réflexion de la Journée précédente. Nous proposons de porter la réflexion de 14ème Journée sur «le cancer et l’intime ». Cette dimension spirituelle fait partie de cette dimension de l’intime.
Le cancer est l’ennemi intime, une expérience existentielle vécue au plus profond de soi, éprouvée dans son corps et dans tout son être.
La maladie, les traitements chirurgicaux, médicaux, la confrontation aux institutions de soin et aux professionnels de santé font intrusion, effraction, dans cette dimension de l’intime, sous le scanner, sous l’IRM, sous le bistouri, dans les protocoles standardisés de traitement. Dans la chambre d’hôpital ouverte à de multiples intervenants, que reste-t-il de cette part individuelle, secrète et essentielle de l’être et du sujet.
Dans le souvent long parcours de la maladie, les soignants deviennent témoins de l’intimité, de la sphère privée de la personne malade et de son entourage. Ils sont aussi amenés à entrer dans une certaine mesure et à interagir dans cette dimension de l’intimité du patient.
Nous savons aussi ce que cette proximité peut avoir comme résonnance sur l’intime des soignants eux-mêmes.
L’intimité du cancer, c’est aussi cette alchimie singulière qui, de l’épreuve vécue peut, comme le dit l’écrivain Annie ERNAUX, dans son journal intime, «faire une expérience humaine qui peut m’apprendre beaucoup de choses encore inconnues sur moi », peut susciter et suscite souvent aussi un besoin d’exprimer, de créer, de témoigner, de partager.
Comment alors dans notre faire de soignant prendre cette dimension en compte de l’intime et tenter de préserver ce noyau précieux de la personne pour l’aider à rester vivante dans tous les aléas de la maladie ?
Voilà quelques pistes de réflexion ouvertes. Nous nous réjouissons de pouvoir les travailler avec vous, l’an prochain.
Toutes les précisions sur le lieu, la date, seront sur le site apohr.fr. Vous y trouverez aussi les actes de cette journée. Vous pourrez aussi y suivre toutes les actualités de l’APOHR.
Je vous remercie et vous souhaite un bon retour chez vous. Prenez soin de vous et des autres